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Crowdfunding immobilier : comment éviter les mauvais projets

Investir dans la promotion immobilière peut rapporter jusqu’à 12% par an. Mais le risque de tout perdre existe. Voilà ce qu’il faut savoir pour ne pas se tromper.

L’engouement pour le crowdfunding immoblier est palpable. Sur les 9 premiers mois de l’année 2015, les fonds réunis via ce mode de financement atteignent 38,2 millions d’euros. “Soit une multiplication par plus de 10 par rapport à l’ensemble des montants collectés en 2014”, analysent le cabinet de conseil en financement des PME CM Economics et le spécialiste de la gestion de patrimoine Eden Finances, à l’origine de ces chiffres.

Il faut dire que le crowfunding immobilier, qui consiste, par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne, à lever des fonds auprès d’investisseurs particuliers pour permettre aux promoteurs de boucler le financement de leurs programmes, a de quoi séduire. Pour un ticket d’entrée de 1 000 euros minimum, voire 500 seulement sur certains sites, l’épargnant peut espérer jusqu’à 12% de rendement annuel, net de frais de gestion mais brut d’impôts.

Simple à accomplir – il suffit de s’inscrire sur la plateforme de crowdfunding de son choix, de consulter les offres d’investissement, de souscrire en ligne et de signer électroniquement son bulletin de participation – la démarche n’en est pas pour autant exempte de tout risque : celui de perte de l’investissement, partielle ou totale, existe. Alors comment le minimiser ? Comment sécuriser son investissement ?

Premier impératif : s’assurer du sérieux de la plateforme. “Le mieux est de passer par une plateforme agréée Conseiller en investissement participatif par l’AMF”, conseille Bertrand Birade, responsable du financement des projets de la société de promotion immobilière Bécarré. D’aucun dirait que ce dernier prêche un peu pour sa paroisse, puisqu’il espère lui-même obtenir le précieux sésame pour Caerus-immobilier, une nouvelle plateforme de crowdfunding immobilier qui devrait bientôt ouvrir et dont il est directeur général. Toujours est-il que le statut de “CIP” constitue un élément différenciant appréciable à l’heure où les acteurs sont légions : quelques 25 plateformes de crowdfunding immobilier ont été recensées fin 2015, contre moins d’une dizaine en début d’année dernière.

Autre choix dans lequel ne pas se tromper, celui du promoteur à soutenir. “En-est-il à sa première opération ? A-t-il déjà une expérience dans la promotion immobilière ? Autant de questions à se poser avant d’investir”, prévient Jonathan Dhiver, fondateur du site d’informations MeilleureSCPI.com.

Là, les plateformes de financement participatif affirment veiller au grain. “On porte une attention toute particulière à la capacité de gestion des promoteurs, à leur capacité à assurer la pérennité de leur entreprise, assure Souleymane Galadima, cofondateur de Wiseed qui, avec Anaxago et Lymo, truste le marché. On s’intéresse notamment à leur structure capitalistique, on regarde si les fondateurs de la société sont toujours majoritaires, aux éléments opérationnels et aux éléments comptables et financiers sur les trois/quatre dernières années. Mais cela n’empêche pas les particuliers de se renseigner sur les programmes qui ont déjà été livrés par le promoteur qu’il envisage de soutenir, de consulter des avis laissés sur lui…”

Bertrand Birade le rejoint : selon lui, il n’y a rien de tel que la longévité d’un promoteur pour prouver son sérieux. “Lorsqu’on est promoteur, on n’a pas le droit à l’erreur. Un promoteur qui perd de l’argent sur une opération peut déposer le bilan dans la foulée”. Le choix du promoteur, laisse-t-il entendre, est presque plus important que le choix du programme en lui-même. “Beaucoup de banquiers disent qu’un bon projet réalisé par un mauvais promoteur est risqué alors qu’un projet moyen réalisé avec un bon promoteur est largement maitrisable”.

Pour autant, pas question de lésiner sur la qualité de l’opération. Premier critère à examiner de près : son emplacement. “Il ne faut pas retenir les programmes situés dans des villes de région de second rang, assène Jonathan Dhiver. Il faut aussi éviter les secteurs où il y a déjà eu beaucoup de constructions en Scellier, Duflot ou Pinel, comme c’est le cas à Toulouse notamment, et privilégier les secteurs où la demande en termes d’achat est forte.” Et d’insister : “Si le choix de la localisation est mauvais, le programme ne se vendra pas et l’investisseur ne récupérera pas son argent.”

Un emplacement qui se doit d’être stratégique, donc, et, pour Souleymane Galadima, visité par les épargnants intéressés si ça leur est possible : “Nos directeurs de développement se déplacent sur les terrains mais rien n’interdit aux investisseurs, s’ils résident à proximité de l’opération, d’en faire autant. Cela peut leur permettre de relever la proximité éventuelle de lignes à haute tension, par exemple, ou d’une cité à la réputation sulfureuse, qui peut malheureusement constituer une faiblesse pour le programme.”

Se rendre sur place, c’est aussi ce que ferait Marc Gédoux, à la tête de la société de promotion immobilière Pierre Etoile, s’il devait lui-même investir en crowdfunding immobilier. “En général, il y a un bureau de vente sur le terrain. J’irais, et j’interrogerais le vendeur. Je lui demanderais, entre autres, si le programme se vend bien”, confie le promoteur.

Car le taux de pré commercialisation du programme a aussi son importance. “Les opérations sélectionnées par nos équipes affichent généralement un taux de pré commercialisation de 50% à 80%, explique Souleymane Galadima. 50%, c’est le minimum que demandent les banques. Les opérations qui présentent un niveau de pré commercialisation de 80% sont celles pour lesquelles nous sommes arrivés tardivement, voire lorsqu’il s’agit d’un refinancement.” Quelle différence pour l’investisseur ? “Investir dans un programme pré commercialisé à 50% lui offrira une rentabilité supérieure, car le niveau de risque est plus important. Le promoteur accepte de payer la “surcote” liée au risque.”

“Pour se décider entre deux projets, l’épargnant peut également regarder du côté de la valeur commerciale du programme, ajoute Bertrand Bertrand Birade. Est-il bien placé ? Le prix de vente correspond-il à la réalité du marché locale ? Autant de questions à se poser.”

Autre élément en prendre en compte, l’état d’avancement du projet. Pour Marc Gédoux, l’important, est de ne pas investir dans un projet pour lequel le permis de construire n’a pas encore été obtenu. “Les bons projets sont ceux pour lesquels les permis de construire sont opérationnels, voire purgés de tout recours”. Un terme jargonneux pour signifier que, passé un délai de deux mois après l’obtention du permis de construire, plus aucun tiers ne peut s’opposer à la réalisation de l’opération, et donc que celle-ci ne risque pas d’être retardée pour cette raison. Wiseed, assure Souleymane Galadima, ne mange pas de ce pain-là : “Aucun projet n’a été financé sans le permis de construire purgé”.

Le promoteur met aussi l’accent sur le niveau de financement du programme. “Les bons projets sont ceux pour lesquels il ne manque plus que quelques fonds pour démarrer l’opération. Peu importe s’il s’agit d’un petit programme ou d’un gros.”

Dernier point à examiner avant de se lancer : l’obtention de la Garantie financière d’achèvement (GFA). “Obligatoire et devant être souscrite au plus tard pour la signature des actes authentiques devant le notaire, elle garantit que chantier ira jusqu’à sa fin, explique Bertrand Birade. Si le promoteur n’arrive plus à payer une entreprise, c’est la banque qui prendra le relai. C’est donc un vrai plus s’il a déjà obtenu un accord de GFA”. Là encore, la plateforme fondée par Souleymane Galadima fait figure de bon élève : “Nous finançons les projets avec la GFA activée ou avec un accord préliminaire conditionné à notre apport de fonds propres”.

Attention toutefois : si la GFA garantit que le projet immobilier sera achevé, même en cas de défaillance du promoteur, elle ne garantit en rien son rendement. “Le rendement du projet sera dû à la capacité du promoteur à intelligemment mener à bien son projet, insiste Bertrand Birade, et à trouver des solutions profitables aux différentes difficultés, commerciales, techniques, administratives, d’un projet immobilier.” Voilà qui est dit.

Justine Gay

(Source: Journal du Net)

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