Encore méconnues il y a un an, ces jeunes start-up de la finance développent des modèles alternatifs de placement optimisé à moindre coût, qui font bouger les lignes de la gestion de patrimoine traditionnelle.
A défaut d’être nombreuses (on les compte encore sur les doigts de la main), les FinTech qui ont choisi de concentrer leur savoir-faire sur l’optimisation des stratégies d’épargne des particuliers font déjà beaucoup de bruit dans le monde de l’intermédiation financière.
Il est vrai que ces jeunes pousses digitales savent entretenir le buzz pour faire valoir leur démarche.
Démocratisation du conseil
Dans une tribune récemment adressée au gouverneur de la Banque de France, Olivier Gentier, directeur d’Advize Group – l’un des premiers « robo advisors » (robots conseillers) à s’être imposés en France -, n’a pas hésité à présenter son offre comme la solution pour aider les Français à mieux épargner. « Grâce à notre technologie labellisée il y a quelques mois par le pôle Finance Innovation, nous sommes en mesure de proposer un service jusqu’alors réservé aux plus fortunés ou aux experts, une offre de conseil indépendante et de suivi personnalisé de niveau institutionnel synonyme pour chacun d’une gestion adaptée à ses objectifs », affirme-t-il à cette occasion.
Quelle réalité se cache derrière ce discours bien huilé ? « Il est trop tôt pour répondre car la seule question à se poser, c’est de savoir si les performances annoncées seront au rendez-vous, et les suivis et reportings à la hauteur des ambitions affichées », remarque Yves Conan, directeur général de LinXea, spécialiste de l’assurance-vie en ligne. Pour l’heure, quelques repères s’imposent pour mieux cerner ces nouveaux modes de gestion.
Une démarche commune
Qu’elles s’appellent Advize, Yomoni, FundShop, Marie Quantier ou encore Finansemble.fr, les FinTech « patrimoniales » françaises qui commencent à fleurir explorent le même terreau, celui des nouvelles technologies, pour offrir à un large public (de zéro à plusieurs centaines de milliers d’euros d’épargne disponible) des services financiers optimisés à moindre coût.
« Ces acteurs 100 % en ligne, mus par une logique de qualité, placent l’épargnant au coeur de leur métier », commente Jonathan Dhiver, fondateur de MeilleurSCPI.com et auteur d’un guide des placements alternatifs. « Nous apportons une réponse à tous ceux qui, déçus par leur conseiller bancaire ou autre intermédiaire, cherchent à mixer performance et transparence en gardant la main sur leurs actifs sans pour autant les surveiller comme le lait sur le feu », confirme Mathieu Hamel, fondateur de Marie Quantier.
Stratégies automatisées
Pour ce faire, les FinTech systématisent le conseil en se servant d’algorithmes complexes, d’où le qualificatif de « robo advisors » (conseillers robots). En plein essor outre-Atlantique, cette automatisation des stratégies de placement n’est pas nouvelle. Comme le rappelle Elisabeth Andrey, cofondatrice du courtier en ligne Altaprofits.com, « il y a quinze ans, nous étions déjà une FinTech puisque dès 2000 nous développions l’Asset Allocator, un logiciel de construction de portefeuille efficient, directement inspiré de la théorie développée par Harry Markowitz, couronnée en 1990 d’un prix Nobel, partagé avec William Sharpe et Merton Miller ». Mais, à l’époque, ce savoir-faire était resté confidentiel. Aujourd’hui, la robotisation des choix d’investissement constitue le fer de lance commercial des FinTech.
Agrégation de comptes et défiscalisation
Certaines font le choix de se concentrer en priorité sur le passif de l’épargnant. C’est le cas par exemple de LaFinBox, un service d’agrégation de comptes courants, livrets d’épargne, mais aussi assurance-vie, épargne salariale, etc. lancé fin décembre par Cross Quantum, une société issue du partenariat de Swiss Life et de la start-up Insight Budget. Conçue pour améliorer le suivi des actifs financiers et de leurs performances, « cette première version s’adresse tout particulièrement aux jeunes cadres aisés et multibancarisés. Elle va s’enrichir de nouveaux services et sera étendue aux conseillers en gestion de patrimoine indépendants », indique Stéphane Vallois, directeur général de Cross Quantum. Ce pas, Finansemble.fr l’a déjà franchi avec son logiciel Optimisator. Cet outil de « coaching financier » gratuit, qui, sur la base des renseignements fournis par l’internaute, produit une photo des structures d’épargne et, dans les minutes qui suivent, une proposition d’optimisation de celles-ci en fonction du degré d’aversion au risque, peut, à la demande de l’utilisateur, déboucher sur une mise en relation avec l’un des conseillers indépendants partenaires du site. Une autre application du site, baptisée « Defiscalisator », permet par ailleurs d’anticiper le montant de son impôt (y compris l’ISF) et de sélectionner les différents placements (plans retraite, FCPI, investissements forestiers, etc.) susceptibles de le réduire.
Allocation d’actifs
Véritable coeur de cible des « robo advisors », l’optimisation de la gestion d’actifs (via un compte titres ou une assurance-vie multisupport) génère différentes approches. Là où un acteur comme FundShop se concentre sur l’analyse et la restructuration de multisupports existants (une dizaine de contrats sont actuellement référencés par la société, qui ambitionne d’en intégrer rapidement une cinquantaine), d’autres visent d’emblée plus large. « Nos process nous permettent d’établir des diagnostics macroéconomiques et une météo des marchés, à partir desquels nous construisons un portefeuille optimal, déclinable en une infinité de possibles selon les profils de risque », détaille Mathieu Hamel.
Jusqu’à présent réservé aux comptes titres, le service de gestion automatisée que promeut Marie Quantier s’étend depuis peu à l’assurance-vie (en partenariat avec Suravenir et bientôt Generali) sur un mode proche de celui de Yomoni, une société de gestion 100 % digitale, arrivée sur le marché en septembre dernier. Ces deux acteurs ont pour point commun de bâtir et d’arbitrer les portefeuilles à forte dominante d’ETF (fonds indiciels cotés), dans lesquels ils placent les actifs qui leur sont confiés afin d’en optimiser le rapport performance-coût.
Dans la même lignée, le courtier Assurancevie.com offre depuis le début de l’année, sans frais ni obligation de versement, l’accès à quatre allocations modèles d’ETF plus ou moins dynamiques conçues par Lyxor. Cet outil d’aide à l’investissement, qui, selon ses promoteurs, se situe à mi-chemin de la gestion de mandat et de la FinTech, « peut être simplement utilisé dans une démarche instructive », remarque Edouard Michot, président d’Assurancevie.com.
En pleine expansion, Advize Group délègue pour sa part la construction de ses allocations types au sélecteur de fonds Morningstar, qui intègre une très large palette d’OPCVM. « Notre technologie éprouvée est désormais disponible en marque blanche pour aider les distributeurs traditionnels de l’épargne à accompagner plus efficacement leurs clients », précise Olivier Gentier.
Les « robo advisors » à la française n’ont a priori pas fini de repousser les frontières de la gestion patrimoniale !
Laurence Delain, Les Echos
(Source: Les Echos)