Cyril Blesson(Associé chez PAIR Conseil)
Vous pronostiquez une baisse marquée des rendements de l’assurance-vie cette année. Quel sera l’impact sur les épargnants ?
Plus la rémunération de l’assurance-vie va baisser, plus le risque que certains Français s’en détournent augmente. Malgré tout, il faut bien placer son épargne et le contexte actuel n’offre pas beaucoup d’autres alternatives. Dans ce contexte de rendements déprimés, on voit beaucoup d’épargnants laisser dormir leur argent sur des comptes courants. Ils le font d’ailleurs déjà avec la baisse des rendements sur les produits liquides, ce qui témoigne d’un désir de préservation du capital. Mais il n’y a pour autant aucune raison de s’inquiéter pour le niveau de collecte de l’assurance-vie, qui devrait rester dynamique. L’assurance-vie reste en effet très attractive comparée au niveau de l’inflation, au Livret A ou aux produits bilanciels bancaires (livrets bancaires, comptes à terme). D’après nos prévisions, la collecte nette [cotisations moins prestations, NDLR] devrait s’élever à 18,5 milliards d’euros sur l’année 2014 et tourner autour de 20,5 milliards d’euros l’année prochaine, sauf rechute dans la crise financière en Europe.
Quel est le concurrent de l’assurance-vie en euros aujourd’hui ?
L’environnement de rendement est déprimé partout, sauf sur le plan d’épargne logement (PEL). Avec 2,11 % garantis nets de prélèvements sociaux, ce produit offre un très bon rendement sans risque par les temps qui courent. Et comme son plafond est assez conséquent (61.200 euros), il peut représenter une bonne opportunité de placement. Mais il n’a toutefois pas le côté « couteau suisse » de l’assurance-vie, puisqu’il ne présente pas les mêmes avantages en ce qui concerne la transmission. Les autres produits qui marchent bien actuellement, ce sont les comptes courants. Cela fait surtout l’affaire des banques, qui peuvent ainsi renforcer à moindres frais leurs ratios réglementaires.
Pourquoi est-il toujours aussi dur de vendre de l’assurance-vie en unités de compte ?
Il y a une vraie aversion des épargnants vis-à-vis des produits en actions. Ils restent très procycliques et suivent les mouvements boursiers. Cela tient à un manque d’éducation financière, car, quand on investit en actions, c’est le dividende qui constitue le coeur du rendement, pas la plus-value… Si on veut aller trouver du rendement, il faut pourtant bien aller sur les actions avec un horizon de long terme. Le problème, c’est qu’il n’existe actuellement quasiment pas de produits à très long terme adossés à des actions en France.
Même pas l’assurance-vie ?
Non, car vous pouvez retirer votre épargne en cours de route. Il faudrait une épargne longue bloquée sur 20 ans sans risque de rachat avant le terme.
On voit apparaître les premiers fonds euro-croissance, qui promettent de meilleurs rendements que les fonds euros en contrepartie d’une épargne bloquée sur au moins 8 ans. Vont-ils attirer les épargnants ?
Le contexte actuel est difficile pour le lancement de l’euro-croissance, qui plus est sans avantages fiscaux spécifiques. Avec des taux longs aussi faibles, les compagnies vont en effet être obligées d’investir une énorme quote-part en obligations pour assurer la garantie du capital offerte par ce produit. Il ne restera donc plus beaucoup de place pour aller chercher de la surperformance sur des produits actions. D’autant que l’horizon de 8 ans me semble un peu court pour bien tirer parti d’un produit investi en actions. Je pense que les Français restent fondamentalement attachés aux caractéristiques du fonds euros : la garantie du capital avec effet cliquet, la possibilité de rachats à tout moment. Cela dit, je trouve plutôt judicieux que les assureurs aient pour l’instant orienté la commercialisation de l’euro-croissance sous un angle retraite avec des garanties en capital sur des horizons de 12-15 ans.
Propos recueillis par L. T
(Source: Les Echos)